La réponse du professeur fusa, cinglante. La jeune fille sentait que le rouge lui montait aux joues et que sa colère grandissait. Pour le premier jour de cours, elle aurait pensé que ses professeurs seraient quelque peu "indulgents" envers les nouveaux élèves. Après tout, Melle Ichihara n'avait-elle pas été étudiante à un moment donné de sa vie ? Pourquoi se sentait-elle obligée de la réprimander? Inwë savait qu'il fallait respecter un professeur et son cours, que la ponctualité était de rigueur. Plus son professeur parlait, plus elle voyait dans ses yeux une espèce de...plaisir qui déplut énormément à Inwë. De ce fait, sa colère montait, montait...jusqu'à ce qu'elle se rende compte que l'air dans sa sphère était en train de devenir froid et de virer légèrement vers le violet, pour aller jusqu'au bleu très clair : vers un vent froid et mordant. Inwë tenta de se calmer pour ne pas reproduire les mêmes erreurs que dans le passé. Elle était actuellement en cours d'éléments donc elle ne pouvait se permettre d'influencer l'air aux alentours. Si Melle Ichihara voyait ce qu'elle était en train de faire, la jeune fille doutait fortement d'être acceptée en cours pour le reste de l'année, voir pour les cinq années d'études à venir. Détruire la salle n'était pas la meilleure idée. Elle voulait qu'on la respecte, comme chaque professeur en début d'année c'est normal. Inwë décida d'aller s'excuser à la fin du cours. Même si elle devait répéter à quel point elle était désolée, elle le voulait. L'étudiante refusait de passer pour la cancre de la maison de l'Air, se serait manquer de respecter à la mémoire son père. Honteuse, elle retira sa main de la sphère, tira vers elle écouta son professeur, qui, pendant ses réflexions, avait fait un tour de classe et s'apprêtait à s'adresser à tout ses élèves. Inwë ne vit que très rapidement les couleurs des sphères des élèves. Cependant, elle se rendit compte que Melle Ichihara avait l'air satisfaite de la couleur qu'avait prit sa sphère.

*N'importe quoi, elle n'en est pas satisfaite, elle constatait juste que ma sphère était devenue rouge, autant qu'elle constatait la couleur de la sphère de Redd...*

"- Bien ! Nous avons fait le plus facile... A partir de maintenant nous allons rentrer dans le vif du sujet: la création de brise. La première étape de la création... Et en réalité la première étape de chaque chose que nous verrons, et on le travaillera à chaque fois... Il vous faut ressentir l'air autour de vous. Chose facile au premier abord mais qui se corse assez vite. Je ne veux pas que vous me disiez avoir ressenti votre élément parce qu'en respirant vous avez eu de l'Air dans vos poumons ! Cela va de soi, mais je le précise, n'importe quel imbécile étranger à notre élément peut ressentir ce "genre d'air" ! Non..."

*Non quoi ? *

La jeune fille se concentra, elle voulait savoir la suite des paroles du professeur ! Même si la première approche fut...houleuse, elle savait que c'était SA matière de prédilection, il fallait donc qu'elle se concentre pour écouter le prof et faire correctement ce qui était demandé.

"- Vous le constaterez vous-même plus tard, mais je vous en informe maintenant... Cette "salle" est complètement hermétique pour empêcher l'air extérieur de rentrer. Il n'y a certes aucun mur mais je vous assure que pas la moindre miette d'air peut pénétrer désormais ici. Ainsi, l'Air qui nous entoure est stable et quasi immobile puisque comme chacun de vous le sait, j'espère, à chaque mouvement l'Air bouge. Vous allez donc vous tenir debout comme maintenant, en écartant légèrement les bras de façon à laisser un espace entre eux et le reste de votre corps, et vous devrez vous concentrez. Vu que l'Air ne "bouge pas" vous allez devoir essayer de le sentir contre votre peau, vos vêtements... Essayer de détecter et de différencier l'air chaud, l'air froid... Et vous concentrez sur les zones avec lesquelles vous avez des affinités. Les zones d'air chaudes pour Mlle Fëallas, les zones d'air froides à tendance tièdes pour M. McCloud..."

"Ressentir" l'Air autour de nous. Inwë ferma les yeux et le matérialisa comme étant de petites plumes. L'Air avait beau être invisible aux yeux du monde, il était pourtant présent partout autour d'eux, dans chaque pièces de maisons, dans chaque forêt, chaque champs, chaque ville, chaque être vivants...il était partout et nul part en fait. Cet élément était noble : utile mais invisible. Se concentrant sur l'air et la métaphore qu'elle lui avait choisi, Inwë finit par sentir sur ses bras, sur son visage, entre ses doigts, une légère, très légère brise. C'était donc ça, sentir l'Air comme n'importe quel imbécile. Elle tenta de se concentrer de nouveau en fronçant les sourcils. L'étudiante avait l'impression d'être entourée par "quelque chose", une espèce de présence qu'elle ne pouvait pas vraiment percevoir, hormis..."la sentir". Cette présence était...tiède, totalement différente de la sensation qu'elle avait pu avoir précédemment dans la sphère. Elle pensa que ce n'était pas normal et essaya à nouveau de se concentrer. Mais plus elle essayait, moins elle y parvenait.

"- N'essayer pas de faire quelque chose pour le moment. Le simple fait de rencontrer votre élément de façon sérieuse, calme et concentrée est déjà un grand pas dans votre apprentissage. Vous devez être ami avec votre élément, il faut qu'il s'habitue à vous et à votre présence... Même si vous pensez le connaître restez sur vos garde à chaque instant et respectez le... En ami il fera beaucoup... EN ennemi, ne vous inquiétez pas qu'il fera beaucoup aussi... Mais pas toujours comme vous l’espéreriez..."

Inwë souffla un bon coup dans le but de se reprendre. Il ne fallait rien tenter pour le moment, simplement "rencontrer" l'Air. Elle ferma de nouveau les yeux et se concentra, en essayant de se détendre. Et puis, elle cru percevoir une légère traînée rouge. Sans être surprise, elle continua son travail de sensations de l'Air. Sa vision était comme un rêve : elle le voyait, mais plus elle avançait vers lui, plus il s'éloignait. C'était à la fois énervant et reposant. Lorsqu'elle ré-ouvrit les yeux, elle sentie dans ses cheveux, l'air chaud d'une brise d'été. Elle ne savait pas si elle avait réussi à faire ce que son professeur avait demandé à la classe, mais elle avait senti quelque chose en effet. Pour ce qui est de savoir si c'était bon ou pas, Inwë savait que la sensation de l'Air était différente en fonction des gens. Elle expliquerait ça à son professeur si jamais elle le lui demandait, mais se promit de l'écrire quelque part. Elle ne voulait pas oublier sa première rencontre avec l'Air en tant qu'ami.

"- Bien... De ce que j'ai vu, il semblerait que tout le monde, ici, a réussi à établir un premier lien avec l'Air... Si certains d'entre vous pensent que c'est quelque chose d'acquis détrompez-vous... Il se peut que lors du prochain cours vous ne parveniez pas à le ressentir... C'est un élément capricieux, et il faut des dizaines et des dizaines de contact pour que vous réussissiez à le rencontrer en vous concentrant... Un jour vous verrez, lorsque vous atteindrez les années supérieures, peut-être qu'il se présentera sans que vous ayez besoin de fermer vos yeux... Mais ce n'est pas pour tout de suite !"

Inwë se rendait compte, au fur et à mesure du cours, que d'apprendre à maîtriser l'Air serait bien plus compliqué qu'elle ne l'avait imaginé. Bien sûr avec son père, elle avait apprit à le contrôler, notamment en jouant avec ses humeurs et en les régulant. En revanche, pour le contrôler entièrement, elle aurait du mal. Et ce qu'elle pensait, venait d'être confirmé par son professeur d'Elément.

"Certains veulent-ils partager leur impression avec les autres ? Vos perceptions peuvent être différentes, ou semblables, tout dépend des gens... C'est vous qui voyez..."

Inwë ne voyait pas l'intérêt de partager ses sensations ouvertement. A son professeur oui, afin de savoir si elle était sur la bonne voie ou pas, afin d'avoir des conseils venant d'une personne qui avait des connaissances pointues dans le domaine. Mais en parler devant de parfaits inconnus, devant les autres élèves, Inwë ne s'en sentait pas capable. C'est comme si on la forçait à révéler tout ses secrets devant tout le monde. Sa rencontre avec l'Air était particulière. La naissance d'une relation forte venait de se faire. Seule Inwë pouvait la percevoir et la comprendre. L'expliquer serait passer pour une folle. Personne ne pourrait comprendre cette relation étrange, entre son élément et elle. Ce qui la réconforta un peu, après l'altercation qui suivit son entrée dans la salle, c'est le signe de tête que Melle Ichihara lui adressa. Après tout, peut-être que ses efforts en classe avaient été remarqué...qui sait...
Alors qu'elle se remettait lentement de sa première rencontre aérienne, Inwë suivit son professeur du regard, qui allait jusqu'au tableau. Elle inscrivit deux mots : "Fiat Aura". Elle se demanda alors ce qu'ils pouvaient bien signifier. La jeune fille se doutait cependant qu'ils correspondaient à une formule.

"- Voici la formule pour créer une brise à partir d'un air qui ne bouge pas. Bien évidemment, dans la vie de tous les jours, l'action sera plus simple puisque l'Air sera déjà en mouvement... Et encore, ce n’est pas dit car il faut, du coup, réussir à le cadrer... En fin de compte, dites vous que si vous n'arrivez pas à le faire là, vous n'y arriverez pas à l'extérieur !"

Inwë observait Melle Ichihara. Elle avait l’air vraiment sûr d’elle à chaque pas qu’elle faisait, à chaque mot qu’elle disait. Elle n’avait peur de rien. L’assurance qui émanait d’elle, faisait que l’on ne pouvait que la respecter. C’est sèchement qu’elle prononça ces deux mots, créant ainsi autour d’elle un vent, une brise. Infime, légère, presque insoupçonnable. Mais suffisamment perceptible pour un élève de l’Air. La jeune fille était fascinée. La pensée et quelques mots pouvaient donc créer un vent ! Peut importe qu’il soit violent, doux, glaçant, sec, froid ou brûlant. Le résultat était là, et Inwë se mit à sourire. Enfin elle pourrait apprendre à le contrôler, et ainsi faire le deuil de son père. Le professeur leur expliqua ensuite que l’intonation avec laquelle ces mots devaient être prononcés, importait peu. Elle les invita en suivant à faire de même en les mettant cependant en garde, contre les maigres chances de réussites dès le premier coup.  Inwë se concentra. Elle fit le vide dans sa tête. Lors que la formule était sur le point de s’échapper de sa bouche, Melle Ichihara s’approcha d’elle.

"- Vous resterez à la fin de l'heure... Je pense qu'il faut que nous ayons un petit entretien..."

Inwë se senti faiblir. Pourquoi donc voulait-elle la voir ? Hormis son retard impardonnable, elle avait suivit le cours avec attention et avec sérieux. La prof avait même l’air satisfaite de ce qu’elle avait pu produire.  D’un autre côté, Inwë voyait cet entretient à venir comme une opportunité pour s’excuser, comme elle se l’était promis quelques instants plus tôt. Elle vit le regard de son professeur. Sans même décrocher un mot et par le simple contact visuel, Inwë lui assurait qu’elle y serait. Suite à cela, Inwë se concentra de nouveau sur la formule à dire et sur le résultat à obtenir.

"Fiat Aura."

Sèchement : rien. Doucement : rien.  Fort : rien. A force de répéter et répéter les mêmes mots maintes et maintes fois, sans trouver l’intonation qui correspondait, Inwë commença alors à s’énerver.  Elle énonça la formule sur un ton de colère, à voix haute, sans hésiter.  Suite à ça, ses cheveux bougèrent légèrement, et Inwë frissonna.

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Se voir prodiguer des conseils par un professeur, c'est du déjà vu. Mais par sa boule de poils minuscule, je pense que c'est une première, encore une.
Mlle Ichihara avait réussi à me rassurer sur mon échec en m'assurant que c'était loin d'être dramatique, du moins pour un premier cours. Après m'avoir fait m'asseoir, elle me laissa seul avec son... animal ou je ne sais quoi.
Il ou elle semblait vouloir que je me détende et que j'arrête tout simplement de penser. Facile à dire. Des milliers de questions se bousculaient dans ma tête. Qu'est-ce que cette créature? Comment arrive-t-elle à parler? Quel âge avait-elle pour parler de manière aussi sage?
Il faut que je me calme. Faire le vide. Se relaxer..... I-M-P-O-S-S-I-B-L-E. Je sens le regard de cette bestiole posé sur moi. Je sais que ça ne devrait rien me faire. J'ai été habitué à de multiples animaux terrifiants mais cette... chose me perturbe bien plus que tout autre chose.
Je dois prendre une décision. Je décide de lui tourner le dos et de fermer les yeux. J'essaye d'imaginer un lieu paisible où je pourrais enfin me détendre. La tour d'où j'observais l'horizon me semble appropriée pour en faire mon "palais mental". Ma respiration s'atténue et devient presque aussi indétectable que dans nos anciens cours de furtivité. Je commence à ressentir peu à peu les caresses d'un puis de deux vents bien distincts. Ils m'entourent progressivement pour former une sorte de couverture immatérielle.
La voix du rongeur me tire de cette expérience enivrante pour me ramener à la réalité.

-Avez-vous vu quelque chose ?


-J'ai vu... euh, en fait je ne pense pas pouvoir clairement l'expliquer. C'est comme si j'étais entouré d'une seconde peau faite de vent. Je ne sais pas vraiment ce que ça peut vouloir dire mais je ne pourrais pas savoir ce qu'il s'est passé en réalité. Ma vision me paraissait tellement réelle ...


Sans attendre de réponse, je veux à tout prix réessayer la formule. Première tentative, rien. Deuxième, rien. Décidément, je ne vois pas d'où vient le problème...
Je décide de me réfugier dans mon esprit pour essayer de prononcer l'incantation à la fois ici et dans la réalité.
La formule prononcée, l'air autour de moi commence à s'agiter et à souffler avec violence. Je ressens pour la première fois la puissance d'un sortilège. La réalité est en revanche tout autre. Un léger courant d'air à peine perceptible se forme et une simple expiration met fin à cette brise si fragile.
Les différences entre les deux plans sont énormes. Pourtant cette demi-réussite m'arrache un sourire, même si je ne peux affirmer que quiconque ait pu constater ce phénomène. Des perles de sueur commencent à apparaître sur mon front, je m'allonge sur le sol. Au dessus de moi, les nuages sont d'un blanc si pur, si clair. Peut-être qu'un jour je pourrais voler parmi eux qui sait.
Sentant la torpeur m'envahir, je me dis qu'il n'est peut-être pas l'heure de faire une sieste au beau milieu d'un cours. Mlle Ichihara avait utilisé cette incantation avec tant de facilité... Comment se fait-il que je sois épuisé? Je me redresse avec difficulté et attend avec impatience les remarques du petit rongeur sombre.

Un petit brin de brise... Je dois admettre que sa remarque m'a à la fois vexé et offensé  . Je sais pertinemment que je ne peux pas arriver à des résultats époustouflants dès les premiers essais, mais tout de même, un « petit brin » de brise... A ce stade-là, je ne sais même pas si on peut parler de progrès. Enfin... après tout, je suis là pour apprendre alors je ne devrais pas me faire de soucis.
Le rongeur m'a également rassuré sur mes capacités, bien que se faire complimenter par une petite bestiole ne soit pas très gratifiant selon moi... mais la professeur semble elle aussi plutôt satisfaite.
Sa question me prend d'ailleurs au dépourvu. Comment suis-je parvenu à ce résultat ?

-Et bien... je pense que ça s'est fait instinctivement. J'ai visualisé dans mon imaginaire que je parvenais à créer une sorte de tempête. Mais comme vous avez pu le voir, le réel et le fictif n'ont pas donné le même résultat... loin de là.

Elle semble perdue dans ses pensées et continue d'observer les autres élèves. Finalement, elle retourne à sa place initiale pour nous proposer de lui poser des questions.
Son timbre de voix est sec et son air plutôt sévère. Je n'arrive à la cerner. Avenante, distante, autoritaire, souple ? Elle semble être quelqu'un d'assez contradictoire dans sa manière d'être et de faire.
Du moment qu'elle reste bon pédagogue, je ne vois pas pourquoi je devrais me plaindre.
J'ai déjà eu pire, bien pire.

Une question évidente m'apparaît soudainement, comme pour palier mon manque de talent évident.


-Pouvons-nous nous entraîner en dehors des cours d'une quelconque façon ou est-ce trop dangereux ? Ça serait appréciable pour ceux qui ont des lacunes...

S'il est vrai que cela revient à admettre ma nullité affligeante, je suis certain de pouvoir rattraper les autres en m’exerçant... sans doute.
En tout cas, le fait de simplement pouvoir faire appel au vent confirme bel et bien ce que je pensais : Je n'étais pas fait pour être un assassin. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais ce cours me semblait décisif pour vérifier si ma fuite avait eu une réelle utilité.
Malgré l'atrocité de ce que j'avais subi, l'horreur de notre tâche en tant qu'hommes de l'ombre, le fait d'avoir un destin tout tracé possédait quelque chose de rassurant. En choisissant de trouver ma propre voie, je prends le risque de me perdre progressivement et d'errer sans but. Tout le monde sait qu'il est impossible de vivre pleinement sans objectif à atteindre.
Le plus dur dans cette histoire, ce n'est pas d'atteindre le but que l'on s'est fixé, mais d'en trouver un digne d'y consacrer sa vie.