Les griffes du destin laissèrent le jeune professeur d'esprit reprendre goût à la vie, retirant lentement ses délicieuses mains, mais ô combien redoutable, du cou de Theyne Myalens. Cette rencontre était inévitable, provoquée par quelque chose de beaucoup plus grand que ce virtuose de l'esprit et cette déesse obscure, tous deux créés par la grande lune, bien que suivant des buts différents. Persephone Morg, dame au destin aussi tragique que grandiose, désira tant de choses tout au long de son existence, une vie qui lui fut refusée, car tel n'était pas son rôle. Partagée entre son devoir de reine, de mère et d'épouse, la servante de la voie du dragon fut torturée par des choix cruels, mais nécessaires au futur qui compose le sol stable de nos vies actuelles. Aujourd'hui, bien que morte physiquement, la reine avait un dernier rôle à jouer, dans cette vaste comédie dramatique qu'est la vie sur cette terre. Après avoir joué le rôle principal pendant plus d'un siècle, il était temps pour elle de n'être plus que le mentor de deux personnes d'exception, une dernière fois, une toute dernière fois. Elle avait tant vue, tant vécue, combien de temps avait elle du "vivre" ? Cette dame était le dernier témoin du commencement, de la déchéance des races peuplant la sainte terre de Rëvalia, avant de venir s'installer dans notre doux royaume, à la paix si fragile. Elle avait vu hommes et femmes rendre leur dernier souffle, mourant comme mouches au soleil, ils dirigeaient Edälia et pourtant, ils étaient si frêles. Observé les elfes, incarnation de la sagesse, se retirer dans leur demeure végétale, méditant sur leur destin et implorant le pardon de notre mère, l'astre lunaire. Pleuré lors de guerre entre ses frères et sœurs, ses fils et ses filles, rongés par leur soif de pouvoir et de destruction, triste héritage de son époux. Les générations futures ne garderaient que la mémoire des combats ? Ce peuple méritait pourtant tellement plus, la lune avait créés les enfants de la nuit, les servants de la voie du dragon, les buveurs de sang, les vampires et ce n'était sans doute pas pour exterminer tous ses autres enfants. Mais qui s'en souciait ? Qui désirait casser ce moule ? Peut être une enfant aux cheveux roses, au pouvoir la dépassant totalement, à l'instinct plus sauvage qu'un garou, à la soif de sang plus meurtrière qu'un humain,  mais au cœur plus pur qu'un elfe, du moins pour le moment. Son enfant, sa plus belle réussite, la seule réelle récompense de son mariage avec le vampire Drake Morg. Persephone s'était sacrifiée pour elle, afin de la protéger d'une époque qui ne l'accepterait jamais, c'était à présent au professeur d'esprit de prouver sa valeur, de montrer que les gènes ne faisaient pas l'homme.

- Theyne, Saepty, peu importe comment vous désirez vous nommer, je ne peux répondre à votre question. Cette enfant, mon enfant...n'a que très peu d'alliés. Elle possède un pouvoir que vous ne pouvez mesurer et je ne parle pas des arcanes vampiriques qui sommeillent en elle, de ses capacités physiques broyant les os d'un démon ou de sa régénération la libérant de toute aide de votre ordre. Non, elle seule, peut effectuer le rituel le plus ancien et le plus puissant de notre peuple. Certains les connaissent sous le nom du "don noir", mais je ne lui ai jamais donné de nom en ce qui me concerne. Ayla peut transformer toute personne de son choix en vampire de sang pur et c'est pourquoi, elle sera traquée toute sa vie. Que ce soit par crainte de ce pouvoir  ou par désir de se l'approprier. Si votre envie de la protéger est sincère, vous devrez veiller sur elle et savoir reconnaître ses seuls alliés, ainsi qu'être capable de l'aider à contrôler cette terrible puissance qui l'habite. Lorsqu'elle sera en âge, les arcanes vampiriques s'empareront d'elle, sans aide pour les comprendre, elle deviendra comme son père et je ne vous le pardonnerai jamais. Vous devrez aussi neutraliser une partie du sceau que j'ai créé, pour empêcher une future perte de mémoire, Yuuki Kuran en est la clé, je ne peux vous en dire plus. Si vous êtes perdus, trouvez Viktor...excusez moi, le comte Von Carline, il vous aidera, surtout en ce qui concerne le vampirisme. En cas de besoin, confiez vous à Bachiatari, il est mon dernier disciple en arcanes vampiriques et protégera Ayla quoi qu'il lui en coûte. Mais pour vous prouver ma confiance en vous, je vais vous faire un cadeau, utilisez le à bon escient.

La noble reine se rapprocha du guérisseur avec lenteur et prestance, paralysant totalement le dhampire, non pas par crainte, mais par admiration. Persephone avait toujours gagné ce petit jeu, cette joute qui consistait à éblouir une personne par son élégance et sa beauté. La dernière marche, l'ultime cadeau qu'elle pouvait faire à une personne autre que sa propre fille et elle ne doutait pas que Theyne respecterait cette décision. Lentement, elle fit glisser une partie de son haut, laissant légèrement son épaule à nue, puis déplaça ses mèches de cheveux semblables à la flamme qui l'avait tant habité, pour mettre en évidence son cou. Comment y résister ? Cela créait de telles tentations pour un enfant de la nuit, mais ce n'était pas la pulsion du dhampire qu'elle désirait créer, mais la prise de conscience de l'honneur qu'elle lui faisait. Lorsque les crocs du professeur, plongeraient dans la chair de la reine, il ouvrirait son esprit à une connaissance qu'il n'aurait jamais pu obtenir, même en entrant dans le temple élémentaire de l'esprit. Toute son expérience sur cet élément, tout ce qui touchait au domaine du mental, tous ses pouvoirs en esprit, tout passerait par son sang et serait transmis au professeur. Certes, Theyne aurait besoin de temps pour tout assimiler, mais personne, que ce soit ses élèves ou même Myrddin, ne verraient la différence. Le directeur verrait sa puissance augmenter en temps voulu, mais il sera trop tard pour faire quoi que ce soit, même si il ne s'y opposerait probablement pas. Par ce sang, elle lui offrait également une part d'elle même, créant ainsi un lien privilégié avec son esprit et empêchant au passage toute perte de contrôle en matière de vampirisme.

- N'ayez craintes, vous ne serez pas un monstre, je ne peux vous apprendre à contrôler les véritables arcanes vampiriques. Vous devrez être un vampire pour cela, vous offrir entièrement à la nuit, sans être un animal et je sais que ce n'est pas forcément ce que vous désirez. Buvez, je vous accompagnerai à jamais, sans altérer votre nature et vous aidant même si elle se manifeste de manière incontrôlée. Prenez mon sang et assimilez mon expérience à la vôtre, qui sait...peut être que dans quelques années vous serez le nouveau sage de l'esprit ? Je ne fais pas cela pour vous attirer sur le chemin du pouvoir, mais car vous avez besoin de ce bagage pour avancer sur la route qu'emprunte ma fille. Les vampires ont été jugés sur les erreurs de mon mari, Ayla ne doit pas en payer le prix. Les sages ont commis des crimes abominables pour vaincre son père, à vous deux, j'ai l'espoir que vous aiderez ce monde à changer. Une nouvelle vision se doit d'exister entre nos deux espèces, participez à sa création. Je vous fais confiance et n'oubliez pas que la noirceur de la nuit n'aveugle que ceux qui sont ignorants.

Son rôle était terminé, la reine ferma les yeux et attendit le dernier baiser vampirique qu'elle recevrait de son existence. Une fois que son sang ne ferait plus qu'un avec celui de Theyne, ce dernier reviendrait dans son monde et enseignerait comme si rien de tout cela ne s'était produit. Cependant, son destin avait été modifié, le voile de la nuit s'ouvrait doucement et lui dévoilait un chemin jusque là dissimulé. Plus que des pouvoirs, Persephone lui avait offert trois choses exceptionnelles à ses yeux. Sa confiance en tant que mère, une nouvelle vision et surtout une assurance vie. Aucun vampire de sang pur, aucun comte, ne serait en mesure de faire quoi que ce soit contre Theyne Myalens, professeur d'esprit de l'académie d'Edälia et célèbre guérisseur du royaume. Ce dhampire, détesté de par sa nature auprès de toute la noblesse, possédait maintenant un argument de poids, la volonté de la reine. Par ses yeux, elle regarderait, par sa bouche, elle parlerait, par ses actes, elle s'exprimerait. Le haut conseil ne pouvait rien changer à la situation, Persephone avait vaincu la mort, en devenant une idée, une idée incarnée par deux personnes qui changeraient sans doute l'avenir de ce royaume.

- C'est un au revoir, Theyne, bonne chance à vous, quoi que vous décidiez de faire.

Le monde est étrangement fait, cruel et imprévisible, forçant les êtres qui y séjournent à vivre l'instant présent de peur que lorsqu'ils s'endorment, il n'y ait jamais de lendemain. Les créatures peuplant cette terre ont toujours eu une crainte plus que justifiée de la mort, mais également une envie de pouvoir plus que conséquente. Le pouvoir existe en toute chose, que ce soit en terme de magie, de politique, de capacités, de force militaire, d'objets et artefacts ou encore tout simplement en amour. Les nobles méprisent les pauvres, les pauvres méprisent les nobles, pourquoi ce cercle vicieux et sans fin ? Les paysans sont condamnés à être exploités jusqu'à la prochaine révolution, qui fera s'élever un autre roturier, devenant ainsi à son tour noble et exploitera encore une fois à son tour, ses anciens frères et sœurs. Triste vision en vérité, mais ce n'est pas cette réflexion que je veux vous offrir ô avides compagnons, mais bien une autre approche, une théorie ne fonctionnant que sur Rëvalïa. Les rois humains vont et viennent, car chaque famille ayant réussi son coup d'état obtient ce titre, il suffit d'un peu de sueur, de sang et quelques paroles dans des esprits faibles. Mais qu'en est il des autres races ? Les démons n'ont pas de royauté malgré leur titre pompeux de « prince » de tel ou tel pêché, ils fonctionnent uniquement avec la loi du plus fort, la loi de la jungle en somme. Nous ne nous attarderons pas sur les sirènes, vu leur faible implication dans notre vie quotidienne, ni sur les Célestins qui ne sont dirigés que par leurs traditions. Il existe cependant un seul gouvernement que votre serviteur trouve en tout point idéal, celui des premiers nés, des légendaires elfes. Ces êtres possédant beauté et savoir, puissance et sagesse, cultivant le mystère et un brin d'arrogance. Dirigés à la fois par une reine léguant son pouvoir de mère en fille, ainsi que par une prêtresse pour tout ce qui concerne l'aspect rituel en rapport avec la lune et un conseil très discret dont quasiment personne ne parle. Aucun fardeau, ils ne font que jouer à la perfection leur rôle dans la grande tragédie qu'est la vie. Pourquoi tant de noirceur ? Peut être car à force de tout observer de loin, on commence à tout trouver triste et désespérant. Mais tout n'est pas de inscrit dans le marbre, il suffit d'un sourire, d'un peu de courage et d'une pincée d'humour pour transformer cette tragédie en une comédie ou en glorieuse épopée, voir même les deux en même temps. Cependant, ce n'est pas la beauté d'un rire qui nous intéresse en cet instant, mais un destin des plus tragiques, celui de la dernière race et sans doute la plus puissante, une race de monstres et de guerriers, les vampires. Nul ne sait pourquoi la lune les a créés, peut être par pure folie, par caprice ou peut être dans un but beaucoup plus précis. Le sage parmi les sages, Myrddin, explique à qui veut l'entendre, que chaque race possède un rôle particulièrement précis et c'est pour cette unique raison qu'aucune d'elle ne doit jamais disparaître. Peut être que les buveurs de sang représentent la colère de la lune, détruisant les aberrations que l'homme a créé, comme les démons par exemple. Mais l'humanité ne retiendra qu'une seule chose de ces êtres, leur soif de sang et leurs terribles méfaits. Dans ce cas, comment diable gouverner et contrôler de pareilles créatures ? Simple voyons ! On ne peut pas.

Les humains, les démons, les célestins, les elfes, les sirènes, les Orochis, les créatures de l'abysse, les sages, peu importe, aucun d'eux ne pourront contrôler ces terribles enfants des ténèbres. Bien sûr, on pourrait tout simplement les exterminer et ainsi briser le cycle, détruisant le monde que nous connaissons, ne soyez pas stupides ! La lune avait un plan dites vous ? Vous avez parfaitement raison, il existe des personnes pouvant contrôler les vampires, d'autres vampires, la famille royale. Il n'y a pas de coup d'état, pas de respect suffisant, de conseil ou autre forces illusoires pour maîtriser ces êtres, il n'y a que le pouvoir, purement et simplement. Le pouvoir n'est pas l'information, la stratégie ou quoi que ce soit d'autre, mais la puissance à l'état brut...le pouvoir est le pouvoir. Pourquoi une seule famille peut diriger réellement cette race ? Car ils le peuvent et j'irais même encore plus loin, car ils le doivent. Je vous parlais de destinée, de fardeau, c'est encore une fois le cas. Il ne s'agit cette fois ci non du poids d'être dirigé, mais bien l'inverse, la lourde tâche de devoir commander. Je sens l'incompréhension sur vos visages, ne froncez pas autant les sourcils, vous risquez de rester ainsi figés ! Comment peut ont souffrir du pouvoir ? C'est une question que vous devriez poser à un Morg.

Prenons le cas de la plus jeune de cette effrayante lignée, la petite Ayla, elle ignore tout de sa nature, de ses capacités, elle ne sait qu'une seule chose : elle est dangereuse. Myrddin la confine dans ses propres quartiers, de peur qu'elle ne blesse un élève, la force à porter des entraves qui neutralisent ses immenses capacités, tout en ne sachant pas comment la neutraliser autrement qu'en faisant tomber sur elle les foudres de la lune. Elle, qui dans cette académie, ne rêve que d'être une élève, malgré son goût pour la noblesse et son désir insatiable de connaître ses limites, malgré le fait que cela fasse d'elle un sacré animal de foire. Une jeune vampire n'étant au final absolument pas en âge pour être dans cette académie, un siècle d'existence à son actif, étant persuadée d'avoir une vingtaine d'années. Le pire dans tout cela ? Elle l'ignore totalement ! Cinq fois on l'a éduqué, puis on a effacé son existence, avant de recommencer à nouveau, faisant d'elle un modèle parfait, tel un objet que l'on façonne à notre image. Que se passera t'il lorsqu'elle apprendra la vérité, que feront ses anciennes personnalités ? Survivra t'elle seulement à cette épreuve ? Sans doute, elle n'a guère le choix, elle ne peut pas refuser son trône, elle doit devenir reine ou faire tomber sa race avec elle dans l'oubli, devenant ainsi de simples histoires que l'on raconte aux enfants afin qu'ils soient sages. Adorant être au centre de l'attention, elle ne se rend compte de rien pourtant, ignorant que son professeur la manipule pour son propre bien avec sa mère morte depuis bien longtemps. Une âme résidant dans son corps, ayant sacrifié sa vie pour dissimuler jusqu'à présent sa vraie nature. Elle ne contrôle rien, étant née avec une cuillère en or dans la bouche, tout lui vient dans la main, car elle a été créée ainsi. Cependant, la voila, loin  de toutes ces manipulations politiques, loin de ce fardeau, étant pour un instant...une personne, une élève de cette académie, juste cela.

Le malaise la guettait, son crâne était sur le point d'exploser, mais elle restait droite, évitant de trop créer d'agitation, ayant déjà fait suffisamment à cette académie pour le moment. Je pense que si vous aviez trois esprits dans votre corps...sans compter toutes ses anciennes personnalités, vous tenteriez de fracasser les murs avec votre tête...non surtout ne lui donnez pas cette idée, elle en serait encore capable. C'est assez risible, bien que son vœu le plus cher soit d'avoir une existence normale, c'est bien son rang qui la força à ne pas perdre le contrôle devant la douleur lui hurlant de tomber sur le sol et de ne plus se relever, au plus profond de son crane, qui lui fit garder la tête bien haute. Elle tentait de garder en tête les mots du professeur, parlant des différentes facettes de l'esprit. Mysticisme, Illusion, Altération, Enchantement et Convocation. Ces termes avaient quelque chose de familier, comme si certains résonnaient dans sa tête en écho, comme le bruit d'un instrument vous faisant entrer dans une transe grâce à la méditation au fin fond d'une caverne. Le mysticisme avait une saveur particulière, de même que l'illusion, un peu comme un plat que l'on découvrait mais avec une impression de déjà vu, notre esprit nous persuadant de connaître cette sensation. Dans le cas d'Ayla, ce n'était pas exactement son esprit qui tentait de lui envoyer quelques informations, sans l'influence pour autant, mais quelque chose d'autre, sommeillant dans cet étrange symbole qu'elle avait sur la nuque.

Fébrile, souriante malgré la situation, la noble osa enfin poser la question qui lui brûlait les lèvres.

- Professeur...sans vouloir vous manquer de respect ou de douter des compétences du professeur Bachiatari, mais comment peut on tenter de maîtriser un, voir deux domaines si nous ne faisons que les survoler ? Je veux dire, si il faut cinq année par domaine selon vous, comment pouvons nous vraiment progresser ? J'imagine bien qu'il nous faudra ensuite apprendre par nous mêmes, mais je doute que l'esprit fera simplement apparaître la voie du savoir.

Le plus amusant dans cette histoire, c'est qu'elle venait de répondre à sa propre question. Certes, le professeur Myalens était très doué en la matière, mais il n'avait pas tout appris de son ancien mentor. Si on suivait la théorie du professeur Bachiatari, tout venait en temps et en heure, la relation que l'on entretenait avec son pouvoir aidant. Cependant...est ce que celui d'Ayla serait aussi dangereux pour elle, qu'elle ne l'était pour les autres...Voila la vraie question.

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"La folie se répand à travers le monde tels le venin d'un serpent."
Kouiky